De nouveaux matériaux pour limiter l’empreinte environnementale des bâtiments tout au long de leur cycle de vie

Les réglementations vertes en matière de conception et de construction des bâtiments contribuent à améliorer l’efficacité énergétique et la durabilité des bâtiments partout dans le monde. Pour cette raison, et en prévision des réglementations à venir, les entreprises du secteur conçoivent des méthodes de construction plus durables, qui participent à la réduction des émissions carbone.

De la conception à l’exploitation en passant par la construction, ces changements ont des conséquences importantes sur l’industrie au sens large.

 

Conception : réduire, réutiliser, recycler

 

Selon une étude de 2018 de l’Université de Lund en Suède, « il est aujourd’hui devenu essentiel de prendre en compte l’énergie intrinsèque [d’un bâtiment], car elle pourrait, au cours du cycle de vie de ce dernier, égaler l’énergie utilisée pour son exploitation ».[1]

De fait, l’énergie intrinsèque d’un bâtiment, son empreinte carbone, devrait à l’avenir se retrouver au centre de l’attention des régulateurs, d’autant plus que trois matériaux très présents dans les bâtiments — le béton, l’acier et l’aluminium — sont responsables de 23 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).[2]

L’Université de Lund, dans son étude, explique ensuite que « l’une des façons de réduire l’énergie intrinsèque est de réutiliser les matériaux constitutifs du bâtiment ou de préparer sa déconstruction ; un principe appelé conception pour la déconstruction.

La conception pour la déconstruction, également connue sous le nom de conception pour le désassemblage (Design for Disassembly [DfD] en anglais), est une méthodologie architecturale en plein essor, qui repose sur la prise en compte du cycle de vie complet d’un bâtiment et de « la façon dont les décisions prises au stade de la conception peuvent augmenter la qualité et la quantité de matériaux susceptibles d’être réutilisés à la fin de la vie d’un bâtiment ».[3]  Cette approche privilégie l’utilisation « de matériaux existants provenant de sites démolis et la recherche de moyens de les réutiliser dans un autre projet de construction », permettant de réduire le recours aux matières premières ainsi que la quantité des déchets de démolition.

La DfD prévoit également l’adaptation du bâtiment à des besoins futurs. Bien qu’il existe relativement peu d’exemples de projets de DfD, le site d’architecture Arch Daily explique que « ce principe fait désormais son chemin dans la pratique courante ». Parmi les exemples, citons le nouveau London Plan, une stratégie de développement spatial pour la ville de Londres, « qui exigera que les demandes d’aménagement démontrent comment les éléments du bâtiment peuvent être désassemblés et réutilisés ». Mentionnons aussi le projet de l’Union Européenne Buildings as Material Banks (BAMB) et l’EPA (l’agence de protection de l’environnement aux États-Unis), qui ont tous deux élaboré des directives encadrant ce processus de conception.

 

Construction : bois, bambou et canne à sucre

 

Les matériaux de construction traditionnels étant particulièrement consommateurs de ressources, les matériaux alternatifs font l’objet d’un intérêt accru.

Le bois est peut-être le plus ancien matériau de construction au monde. Il a cédé du terrain face au béton et à l’acier au cours des 200 dernières années, mais regagne aujourd’hui en popularité grâce à la reconnaissance croissante de sa capacité « à réduire les déchets, la pollution et les coûts associés à la construction, ainsi qu’à créer un cadre bâti plus sain sur le plan physique, psychologique et esthétique ».[4]  L’arrivée du bois composite, fait de morceaux de bois collés ensemble pour former des pièces plus grandes, a stimulé l’imagination des architectes et des constructeurs du monde entier et a élargi les possibilités de construction à base de bois lamellé croisé ou « CLT ».

Le CLT permet de créer des panneaux mesurant jusqu’à 30 cm d’épaisseur, 5,5 m de long et 30 m de large, égalant et dépassant même ainsi les performances du béton et de l’acier. Ce matériau est de plus en plus utilisé dans la construction de bâtiments, dont le plus haut, à date, est un immeuble de 16 étages et 84,5 m construit en Norvège[5] en 2019.

Le bambou et la canne à sucre sont deux matières premières peu coûteuses et à régénération rapide qui ont également commencé à attirer l’attention du secteur du bâtiment ces dernières années. Grâce à sa composition fibreuse, la bagasse de canne à sucre, qui est le sous-produit de la transformation de la tige de canne à sucre, est utilisée pour fabriquer des panneaux souples similaires au contreplaqué ou aux panneaux de fibres de bois à densité moyenne (MDF). Les cendres de bagasse (le résidu de sa combustion en vue d’en faire un combustible) sont quant à elles utilisées comme alternative écologique dans le ciment Portland, remplaçant « 20 % à 50 % du ciment sans affecter ses performances ».[6]

Concernant le bambou, largement utilisé dans le bâtiment depuis des générations, des chercheurs se sont penchés sur certaines de ses variétés pour vérifier si elles possédaient les propriétés mécaniques pouvant en faire un matériau de construction de substitution. S’il existe plusieurs études de cas réussies, « en l’absence de normes et de codes de construction, les architectes et les ingénieurs hésiteront à intégrer le bambou dans leurs plans, malgré ses avantages environnementaux évidents et ses qualités esthétiques ».[7]

 

Exploitation : éclairer la voie vers des bâtiments durables

 

En ce qui concerne les réglementations sur l’exploitation économe en énergie des bâtiments, celles relatives à l’éclairage — et plus précisément à l’élimination progressive des ampoules à incandescence et halogènes, très gourmandes en énergie — font partie des plus réussies, conduisant à l’adoption généralisée des LED.

Au sein de l’Union européenne, tous les États membres ont accepté d’éliminer progressivement les ampoules à incandescence avant 2012. La directive européenne sur l’écoconception et la directive sur l’étiquetage énergétique, qui sont entrées en vigueur en septembre 2021, sont allées encore plus loin en interdisant immédiatement certaines lampes fluorescentes et halogènes et en prévoyant d’autres interdictions dans les deux années à venir. En outre, elles ont introduit une échelle d’efficacité énergétique des ampoules plus simple, allant de A à G, afin d’aider les consommateurs à faire des choix plus éclairés en matière d’efficacité énergétique.

Ces interdictions ont été reprises dans d’autres pays du monde, mais le succès des réglementations n’a pas été universel. Aux États-Unis par exemple, la situation est plus contrastée. Une série de restrictions EISA, qui aurait exigé que les ampoules électriques classiques (appelées lampes à usage général) utilisent 65 % moins d’énergie que les ampoules à incandescence traditionnelles tout en fournissant la même quantité de lumière, devait entrer en vigueur le 1er janvier 2020, mais le ministère de l’Énergie américain (Department of Energy ou DOE) a décidé de la suspendre. En réaction, plusieurs états dont la Californie, le Nevada et l’État de Washington ont décidé d’aller de l’avant et d’interdire malgré tout certaines lampes à usage général.

Malgré l’absence de réglementation, les entreprises et les consommateurs américains sont en train de passer aux LED, lentement mais sûrement. Selon le DOE, la part de LED installées en 2017 était de 19 % et devrait atteindre 84 % d’ici 2035.[8]

Du côté de la Chine, premier producteur mondial de LED, les fabricants bénéficient de subventions et d’incitations gouvernementales considérables, ayant facilité l’adoption de la LED. Le marché devrait connaître un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 14,4 % entre 2020 et 2030.[9]

De manière générale, le prix des LED a considérablement baissé ces dernières années. Elles durent environ 40 fois plus longtemps que les ampoules à incandescence traditionnelles et produisent la même quantité de lumière en utilisant 80 % d’énergie en moins, expliquant le succès de son adoption par les consommateurs.

 

[1] https://www.mdpi.com/2075-5309/8/11/150

[2]https://architecture2030.org/why-the-building-sector/#:~:text=Buildings%20generate%20nearly%2040%25%20of,for%20an%20additional%2011%25%20annually

[3] https://www.bregroup.com/buzz/design-for-deconstruction-helping-construction-unlock-the-benefits-of-the-circular-economy/#:~:text=Design%20for%20Deconstruction%20(DfD)%20looks,end%20of%20a%20building’s%20life.&text=Consequently%2C%20an%20overall%20deconstruction%20potential,obtained%20for%20a%20residential%20building.

[4]https://www.vox.com/energy-and-environment/2020/1/15/21058051/climate-change-building-materials-mass-timber-cross-laminated-clt

[5] https://www.dezeen.com/2019/03/19/mjostarne-worlds-tallest-timber-tower-voll-arkitekter-norway/Voll Arkitekter’s Mjøstårne in Norway becomes world’s tallest timber building (dezeen.com)

[6]https://www.architectmagazine.com/technology/a-sugar-high-for-architects_s

[7]https://blog.bluebeam.com/building-with-bamboo/

[8]https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC122760/status_of_led_lighting_world_market_2020_final_rev_2.pdf

[9]https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC122760/status_of_led_lighting_world_market_2020_final_rev_2.pdf