Comment rendre la supply chain plus durable ?

Moins de 10 % des biens de consommation sont aujourd’hui recyclés dans le monde.[1] Ce constat plaide pour l’adoption rapide de mesures visant à réduire le gaspillage des ressources naturelles et la pollution qui en découle. Au moment où l’Union européenne affiche de fortes ambitions en matière de réduction et de recyclage des déchets, les entreprises s’engagent dans la transformation de leur supply chain, qui devient ainsi tout à la fois plus durable et plus compétitive, s’inspirant des principes de l’économie circulaire.

 

Les entreprises appelées à verdir leur chaîne de valeur

 

Pour amorcer la transformation de son économie, l’Union européenne renforce pour la supply chain des entreprises les règles relatives à la transparence, la communication extra-financière et au devoir de vigilance.

Adoptée en 2014, la Directive européenne sur le reporting extra-financier[2] a rendu obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés la publication annuelle de leur déclaration de performance extra-financière (DPEF). Cette dernière détaille leur modèle économique, leur politique sociale et environnementale et commente des indicateurs de performance afin de suivre concrètement les résultats de leur politique RSE. Renforçant leurs obligations en matière de transparence extra-financière, un projet de révision de cette directive, dit « Corporate Sustainability Reporting Directive »[3] a récemment élargi le champ des entreprises visées aux entreprises de plus de 250 salariés, ainsi que le champ des données exigées, tout en établissant un cadre plus précis pour normer la présentation de ces dernières.

En parallèle, l’Union européenne travaille sur un projet de directive relative au devoir de vigilance en matière de droits environnementaux et humains dans les chaînes de valeur[4], qui s’inspire directement de la législation adoptée en France en 2017. L’objectif est simple : contraindre les entreprises à répondre de la conformité de leur chaîne de valeur à des critères de responsabilité sous peine de sanctions pénales dans l’hypothèse de violation grave des droits sociaux et environnementaux.

Dans ce contexte, reportings et indicateurs extra-financiers deviennent incontournables pour évaluer la trajectoire de transformation durable des entreprises, tenues de mesurer leurs impacts et ceux de leur supply chain. Des indicateurs scrutés par des marchés financiers également incités à s’orienter vers des investissements plus durables et dont les performances conditionnent – de fait – de plus en plus l’accès à des financements compétitifs[5].

 

Réduire l’impact environnemental des supply chains en s’inspirant des principes de l’économie circulaire

 

Le modèle proposé par l’économie circulaire invite à repenser le système productif en optimisant toujours davantage l’utilisation des ressources afin de limiter l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. Ces principes poussent les entreprises vers l’adoption d’un modèle favorisant une consommation réduite de ressources primaires et une optimisation des processus industriels. Appliqué à la supply chain, l’enjeu est de penser l’ensemble du cycle de vie d’un produit dans un objectif de décarbonation, ce qui passe par la réduction de son impact environnemental, depuis sa fabrication jusqu’à sa valorisation, en passant par son emballage, son transport et son utilisation.

L’écoconception[6] d’un produit implique de prendre en compte la protection de l’environnement dès sa conception. Il s’agit d’un levier majeur pour optimiser l’utilisation de ressources tout au long de la supply chain et, par conséquent, la rendre plus durable. C’est dans cette optique que la marque BIC a réinventé l’un de ses produits phares : 12 % plus léger que son prédécesseur, le stylo BIC Cristal ne consomme désormais que 2,9 grammes de matière par kilomètre d’écriture, contre 6,4 grammes en moyenne chez ses concurrents. Une fois arrivés en fin de vie, ces mêmes stylos usagés sont, pour une très large part des matériaux qui les composent, utilisés pour fabriquer des bancs de jardin via une filière de recyclage spécialisée efficace, contribuant ainsi à l’effort de préservation des ressources naturelles impulsé par les pouvoirs publics.

Le passage à un modèle d’économie circulaire pourrait permettre d’ici 2030 à l’économie européenne de réaliser 1 800 milliards d’euros d’économies et d’augmenter sa croissance de 7 points. Veiller à l’optimisation des ressources utilisées passe en effet par la traque des sources de gâchis, des erreurs de préparation des commandes, du stockage inutile. Autant d’efforts qui contribueront, tout en réduisant les déchets et les émissions de GES, à optimiser les coûts de production.

 

Les leviers pour réduire les impacts de la supply chain

 

Un premier moyen pour parvenir à limiter l’impact de la supply chain sur l’environnement est la réduction des emballages, en particulier de ceux en plastique à usage unique, qui représentent à eux seuls entre 75 et 85 % des déchets marins. Au-delà d’en réduire l’utilisation, de nombreuses alternatives voient le jour, à l’image des emballages créés à partir de champignons que propose la société néerlandaise Grownbio.[7]

La décarbonation de la logistique, à commencer par le transport, constitue un second levier majeur du verdissement de la supply chain. Le groupe Carrefour ambitionne par exemple d’ici la fin de l’année, dans le cadre d’un partenariat avec ENGIE et Air Liquide, de faire rouler ses flottes au biogaz, généré majoritairement à partir de déchets alimentaires de ses magasins.[8] La décarbonation des entrepôts est une autre façon d’évoluer vers une logistique plus verte : à Cestas en Nouvelle-Aquitaine, Rexel a récemment ouvert un centre logistique à faible consommation énergétique, équipé de 729 panneaux photovoltaïques qui couvrent 20 % de ses besoins en énergie.[9]

Enfin, qui dit optimisation des ressources et réduction des impacts environnementaux dit aussi recyclage et réemploi. Mais donner une seconde vie aux produits pose de nouveaux défis aux entreprises qui doivent inventer une logistique de l’aval (dite logistique inverse). La filière des déchets d’équipement électrique et électronique a par exemple dû s’organiser pour répondre à ces enjeux. Avec 12 centres dédiés au traitement des déchets en France, Ecosystem[10] par exemple est un éco-organisme qui assure le recyclage des équipements professionnels électriques et électroniques, des lampes à économie d’énergie et des petits extincteurs.

 

Le digital comme catalyseur d’innovations pour une supply chain plus durable

 

Maintenance prédictive, Internet des objets (IoT), véhicules autonomes, 5G, automatisation / prédictivité des achats : l’innovation technologique offre des possibilités inédites en matière de verdissement de la supply chain. Pour Carlo Ratti, directeur du MIT Senseable City Lab, « le Big Data et l’IA nous permettent de mieux comprendre la dynamique des déchets »[11]. D’ailleurs, 59 % des entreprises[12] utilisent déjà aujourd’hui les technologies numériques pour contrôler leurs indicateurs environnementaux. Notamment leur consommation d’énergie, de carburant ou d’eau. En termes d’application, la start-up Fotonower propose une technique d’identification des types de déchets et de leurs taux de contaminants, fondée sur la reconnaissance d’image.

Le potentiel ouvert par la transformation digitale de l’économie est donc immense, reste à savoir si le digital parviendra à prendre lui-même le tournant de l’économie circulaire et à réduire son propre impact sur l’environnement.

 

[1]  https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/moins-de-10-des-biens-de-consommation-sont-recycles-dans-le-monde-1380185

[2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32014L0095

[3] https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en

[4] https://www.novethic.fr/actualite/social/droits-humains/isr-rse/devoir-de-vigilance-alors-que-la-directive-europeenne-patine-la-france-veut-fa-150454.html

[5] https://www.lesechos.fr/thema/daf-2021/la-rse-devient-un-enjeu-majeur-de-la-finance-dentreprise-1363924

[6] https://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/eco_conception.php4

[7] https://www.grown.bio/

[8] https://strategieslogistique.com/Carrefour-decarbone-sa-logistique,10198

[9] https://www.rexel.com/fr/2018/11/23/un-nouveau-centre-logistique-pour-rexel-france-un-service-ameliore-pour-les-clients/

[10] https://www.ecosystem.eco/fr/sous-rubrique/qui-sommes-nous

[11] https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/economie-circulaire-tendances/

[12] https://www.orange-business.com/sites/default/files/thought-leadership_real-time-intelligence-and-the-future-of-supply-chains.pdf