Smart Grids : Les réseaux électriques font leur mue

Les smart grids signent l’alliance des infrastructures électriques traditionnelles et des technologies digitales. Capables d’enregistrer et de transmettre des millions de données, ces réseaux intelligents optimisent la production d’énergie, facilitent la maintenance des réseaux et renouvellent les modes de consommation. Panorama des innovations technologiques à l’origine de cette révolution…

C’est en 2005 que l’expression « smart grids » – traduite en français par « réseaux intelligents » ou « réseaux communicants » – voit officiellement le jour. À cette date, la Commission européenne décide de lancer une plateforme technologique, baptisée « Smart Grids », afin de développer les interactions entre consommateurs, fournisseurs et gestionnaires d’électricité. Les ambitions affichées : accompagner la transition énergétique et mieux prendre en compte les nouveaux modes de consommation. « L’expression smart grid désigne un réseau électrique qui exploite la puissance des technologies numériques et télécom actuelles, au service de sa gestion globale », explique Yves Barlier, directeur des smart grids chez Enedis. La première expérience européenne de smart grid est née en Italie au début des années 2000. Par l’intermédiaire de compteurs intelligents, le projet Telegestore relie alors au réseau près de 27 millions de foyers, avec comme objectif d’éviter des pannes à répétition. Dès lors, le déploiement des smart grids va s’accélérer dans de nombreux pays, et notamment en France, l’un des plus importants d’Europe par sa taille.

 

Des yeux et des oreilles pour le réseau

De manière schématique, le réseau français se présente comme une toile tentaculaire qui compte plus de 105 000 kilomètres de lignes à haute tension[1] et plus de 1,4 million de kilomètres de lignes basse et moyenne tension[2]. Comment mieux gérer les flux associés à ce réseau ? Comment traiter voire anticiper les incidents ? Et comment améliorer la maintenance ? Autant de défis auxquels se trouve confronté le gestionnaire, RTE. Or, grâce aux nouvelles technologies numériques, il devient possible d’implanter à certains points stratégiques des capteurs capables de fournir en temps réel des informations sur les réseaux et leur état de fonctionnement. Tension, puissance, température des câbles, vitesse de déclenchement des équipements (comme des disjoncteurs, par exemple), et même mesure de la vitesse du vent, ces fameux capteurs fournissent de précieuses informations aux gestionnaires du réseau électrique français. « Nous traitons aujourd’hui 100 000 données par seconde, un chiffre qui devrait atteindre 1 million dans les dix prochaines années », souligne Michel Béna, directeur adjoint de la R&D de RTE. En parallèle, RTE a commencé à déployer des automates qui centralisent toutes les données disponibles à l’échelle d’une région, et peuvent même prendre des décisions sur leur périmètre. « Leur nombre passera de 2 à 10 en 2022, l’objectif à terme étant d’en implanter 180 dans toute la France », ajoute Michel Béna.

L’intelligence numérique se déploie également à l’échelle des foyers français, grâce au compteur Linky. Quelque 34 millions d’exemplaires de ce système interopérable équipent aujourd’hui les logements[3], avec la possibilité pour tous d’effectuer des démarches autrefois lourdes et chronophages : ouverture de ligne, relevé de consommation, modification d’abonnement, etc. Mais Linky fournit aussi de données utiles en cas d’incident sur le réseau. « Grâce à lui, nous savons qu’il y a une panne quelque part, et sommes capables d’en géolocaliser l’origine », indique Yves Barlier.

S’adapter à la transition énergétique

Automates, capteurs, compteurs intelligents… tous ces équipements seront mobilisés pour répondre à l’autre grand enjeu lié au smart grid : la transition énergétique. La montée en puissance des énergies renouvelables rend en effet toujours plus complexe la gestion et le pilotage des réseaux. Il s’agit aujourd’hui d’intégrer l’électricité produite par les parcs éoliens et les panneaux photovoltaïques, par nature intermittente. En outre, les consommateurs sont appelés à devenir également producteurs, avec par exemple l’arrivée des bâtiments à énergie positive, c’est-à-dire capables de produire davantage d’énergie qu’ils n’en consomment. Une situation à l’origine de flux à double sens, là où l’énergie transitait jusqu’ici depuis des centrales électriques vers les consommateurs, et de manière ininterrompue. Tout cela nécessitera de la flexibilité sur le réseau, pour ouvrir ou fermer des « vannes » à bon escient, et respecter l’équilibre entre production et consommation. Le réseau électrique n’en est qu’au début de sa « smartification »…

 

Les câbles souterrains sous l’œil de l’IA

Sans possibilité de contrôle visuel, comment savoir si un câble souterrain présente des signes de vieillissement qui nécessiteraient son remplacement ? Depuis peu, Enedis fait appel à l’intelligence artificielle pour l’aider à prendre sa décision. « Nous collectons un grand nombre de données relatives au câble, telles que l’historique des postes de tension du voisinage, les incidents des années précédentes, les données météo (la température pouvant jouer un rôle dans le processus de vieillissement), ou ses caractéristiques techniques, et nous déduisons grâce à l’IA la probabilité que ce câble souterrain connaisse une défaillance », explique Yves Barlier, le directeur des smart grids d’Enedis. Cette nouvelle approche permet ainsi à Enedis d’optimiser ses investissements en changeant ses câbles au bon moment, ni trop tôt ni trop tard.

 

 

 

[1] https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/l-acheminement-de-l-electricite/le-reseau-de-transport

[2] https://federation.ffvl.fr/sites/ffvl.fr/files/180418_Sensibilisation_Enedis.pdf

[3] https://www.cre.fr/Lettres-d-information/la-cre-dresse-un-bilan-positif-du-deploiement-de-linky