L’un des grands enjeux de la transition énergétique consiste à réinventer les réseaux électriques actuels pour les rendre plus intelligents. À terme, ces smarts grids intégreront des énergies d’origine renouvelable et relieront entre eux les consommateurs, amenés à devenir eux-mêmes producteurs d’énergie ! Mais on ne révolutionne pas un modèle séculaire et ses infrastructures techniques du jour au lendemain. Dans ce premier article de notre série sur les Smarts Grids, nous vous proposons de revenir à la génèse des réseaux d’électricité, à la fin du XIXe siècle. Un flash back nécessaire pour mieux comprendre le chemin parcouru…

 

Dans la plupart des pays développés, l’architecture des réseaux électriques est conçue sur un modèle vertical descendant. Leur vocation est d’acheminer l’électricité produite par un nombre limité de grandes unités de production, les centrales, vers les consommateurs. Les fondations de ces réseaux ont été posées vers la fin du XIXème siècle, dans la foulée de la découverte de l’électricité. Alors qu’aux Etats-Unis, les villes grossissaient et les gratte-ciels se multipliaient, Thomas Edison plaida vigoureusement pour que l’électricité équipe tous les immeubles. Il militait également pour une production mutualisée au sein de grandes unités, afin de réduire les coûts et de faciliter la distribution de l’électricité.

 

New-York, ville lumière…

Le grand inventeur mit sa vision en pratique. Dès 1882, il créa sa propre compagnie d’électricité pour alimenter la ville de New-York, qui comptait alors 85 clients pour un total de 400 ampoules ! Ce modèle centralisé s’imposa alors un peu partout dans le monde. L’un des principaux promoteurs de cette approche fût l’ancien secrétaire personnel d’Edison, Samuel Insull, qui, à la tête de sa compagnie, construisit la plus grosse centrale électrique du monde à Chicago, la « Harrison street station ». En 1920, la Insull Company fournissait l’électricité de 32 états américains et militait pour que la fourniture d’électricité soit reconnue par les pouvoirs publics comme un monopole naturel, autorisé à se développer à l’écart de toute compétition. Ces pionniers fondèrent ainsi le modèle du grand opérateur intégré, capable de produire, transporter et distribuer l’électricité, dont EDF fut longtemps le parangon en France.

 

La fin des grands monopoles

À partir des années 1970, l’arrivée au pouvoir de gouvernements libéraux, notamment en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, s’est progressivement traduite par la remise en cause de ce schéma centralisé. Soucieux de mettre fin aux monopoles et de stimuler la concurrence,  certains entreprirent de privatiser leurs compagnies historiques. En parallèle, des séparations s’opérèrent entre les activités de production, de transport et de distribution. C’est, par exemple, la situation qui prévaut en France. Si EDF demeure le producteur référent, c’est désormais RTE qui est en charge du transport haute tension et Enedis du réseau moyenne et basse tension. Au début des années 2000 est intervenue une nouvelle rupture technologique majeure : la révolution digitale et l’explosion d’internet, qui se sont propagés très rapidement dans tous les domaines de la vie et de l’économie, notamment l’énergie. Ce qui a ouvert la voie à une architecture de réseau où le consommateur final peut à la fois fonctionner en mode « upload » ou « download », c’est-à-dire qu’il peut se comporter comme un simple consommateur ou comme un producteur, qui injecte son surplus d’énergie sur le réseau. C’est l’émergence du concept de smart grid, qui sera abordé dans les articles suivants.