Qu’est-ce que le BIM ?

Bruno Chaudet est maître de conférences HDR en sciences de l’information et de la communication à l’université Rennes 2, administrateur et vice-président chargé des relations professionnelles pour la SFSIC (Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication). Ses recherches portent sur les communications organisationnelles et notamment les usages des technologies numériques par les acteurs de l’habitat.

En quoi consiste le BIM ?

Il s’agit d’un mot valise, acronyme de « Building Information Modelling », apparu au début des années 2000. Le concept est toutefois plus ancien et recouvre de manière plus large l’informatisation et la collaboration des acteurs du bâtiment, de sa conception à sa construction. En Europe, une directive de 2014 a accru son usage, une tendance renforcée en France par les préconisations de la mission « Numérique et Bâtiment ». Concrètement, il s’agit pour les intervenants d’un chantier de collaborer autour d’une maquette numérique.

Qu’est-ce qu’apporte cette maquette numérique dans le travail des différents corps de métiers ?

Elle facilite les processus de conception et de réalisation du bâtiment et impacte tant la maîtrise d’ouvrage que la maîtrise d’œuvre. Elle permet en effet aux intervenants du projet de construction de mieux se représenter le chantier, avec ses contraintes et ses difficultés éventuelles et, ainsi, d’optimiser les choix techniques. Ceci vaut aussi pendant toute la durée de vie du bâtiment, de sa maintenance à sa rénovation. Il y a donc un BIM management, qui permet une meilleure visibilité du rôle de chacun des acteurs du projet.

Le BIM améliore donc la collaboration entre les multiples acteurs de la construction ?

Oui, et il s’agit même de son atout majeur. Le BIM autorise un dialogue soutenu et continu entre les différents intervenants de la maîtrise d’œuvre, à savoir les architectes, les bureaux d’études et les entreprises de BTP. Avec le BIM, les métiers vont pouvoir se parler, pour une meilleure coordination, une meilleure qualité d’exécution et une communication organisationnelle fluidifiée. Plus globalement, il apporte des changements au niveau du management, évite l’organisation en silos qui est source de difficultés, facilite la prévention des erreurs. Mais si le BIM facilite a coordination des différents acteurs, il n’impose pas leur collaboration. Sur ce point, ce sont aussi les usages et les mentalités qui doivent évoluer !

Justement, le BIM rencontre-t-il des résistances ?

Comme dans toute innovation, il existe aussi des réticences au changement. Ils relèvent de deux ordres. Pour les architectes ou cabinets d’études, le BIM peut être perçu comme un frein à leur indépendance et à leur liberté créatrice. Pour les entreprises du bâtiment et notamment pour les plus petites d’entre elles, il s’agit de la difficulté de s’approprier les outils informatiques du BIM, d’engager les investissements nécessaires, de trouver les compétences humaines, de sensibiliser les ouvriers. Le risque c’est que les petites entreprises du BTP soient évincées au profit des plus grosses et qu’un phénomène de concentration et de consolidation s’impose dans ce secteur. D’ailleurs, dans certains appels d’offre imposant l’usage du BIM, le nombre de réponses peut être divisé par deux ! Il est donc important d’accompagner les petites entreprises pour qu’elles l’intègrent à leurs process.

Le BIM a-t-il un rôle particulier à jouer pour le logement social ?

L’élément central pour le logement social est d’assurer grâce au BIM un niveau de qualité satisfaisant dans un budget contraint, en phase de conception notamment, mais aussi d’exécution. La capacité que procure le BIM à mieux suivre le chantier permet en effet de réduire le nombre de dommages d’ouvrages. Il reste pourtant des progrès à faire en la matière et le dialogue entre métiers doit être amélioré. Il introduit également une baisse du coût d’exploitation des immeubles, ce qui s’avère là aussi particulièrement important quand on parle de logement social.

Et au niveau de la maîtrise d’ouvrage, c’est-à-dire notamment des élus ?

Il est certain que la maquette numérique offre une meilleure compréhension du projet aux élus et favorise un suivi plus étroit de l’évolution du chantier. Et donc à l’arrivée, moins de mauvaises surprises ! Mais il faut aussi souligner que la population et les riverains eux-mêmes adhèrent plus facilement à un projet quand ils le comprennent mieux, quand ils visualisent les choses. Le BIM apporte ainsi plus de consensus et facilite les opérations de construction ou de réhabilitation.

Comment voyez-vous l’avenir du BIM ?

Le BIM, selon différentes modalités, s’imposera dans la plupart des projets de construction. Il demeure un formidable outil de coordination entre professionnels et un instrument irremplaçable pour comprendre les enjeux et les caractéristiques d’un projet de bâtiment. Ses effets positifs en termes budgétaires le rendent particulièrement précieux s’agissant de l’habitat social. Il restera à accompagner les entreprises pour qu’elles puissent en maîtriser les outils, en gardant à l’esprit qu’il ne faut pas tout attendre d’une technologie. Les relations humaines restent en effet primordiales dans le succès d’un chantier !