La France renforce ses efforts pour résoudre la crise des logements mal isolés et respecter ses engagements climatiques

Les ménages français représentent 43 % de la consommation totale d’énergie du pays[1] et 19 % de ses émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, 7 des 35 millions de logements du pays sont considérés comme des « passoires thermiques », autrement dit des logements très mal isolés. Si l’on ajoute le fait que 11,7 % des ménages français (3,4 millions au total) sont en situation de précarité énergétique et dépensent plus de 8 % de leurs revenus pour se chauffer, on comprend que la France fait face à une crise grandissante, qui nuit au bien-être sanitaire et social de ses citoyens, et menace le respect de ses engagements en matière de climat.

La précarité énergétique et les « passoires thermiques » ne sont pas des problèmes propres à la France. Les normes de construction pour l’isolation et le chauffage des logements diffèrent d’un pays à l’autre, de même que le prix de l’énergie. Dans ce cadre, certains s’en tirent mieux que d’autres, mais la France est un cas particulièrement intéressant du fait de sa taille et de sa position de fervent défenseur en Europe de l’Accord de Paris sur le climat.

Cependant, en France comme ailleurs en Europe, ce sujet n’est pas nouveau et les gouvernements qui se sont succédé depuis plus d’une décennie ont tous fait des propositions pour rénover le parc immobilier du pays avec des résultats relativement limités. L’épidémie de coronavirus, qui a entraîné le confinement de la population pendant deux mois, a remis le sujet au premier plan, soulignant les inégalités criantes qui existent, en termes de précarité énergétique notamment. Si cela a galvanisé la société au sens large, cela a également incité le gouvernement à revoir ses politiques existantes.

Le 29 juin, au palais de l’Élysée, les membres de la Convention citoyenne pour le climat[2] ont rencontré le président Emmanuel Macron afin de lui présenter 149 propositions en faveur d’un modèle de société plus durable. Parmi ces propositions, 146[3] ont été retenues et sont en cours d’examen par le gouvernement, dont une proposition visant à rendre obligatoire pour les propriétaires immobiliers la rénovation de 20 millions de logements d’ici à 2040, et d’ici à 2030 pour toutes les « passoires thermiques ». La proposition fixe également un objectif de performance énergique de niveau A, B ou C pour toutes les rénovations, un objectif beaucoup plus ambitieux que l’obligation légale actuelle correspondant au niveau E.

Afin d’aider les ménages les plus modestes à régler la lourde facture de la rénovation, l’Institut de l’économie pour le climat estime à environ 11 milliards d’euros les financements publics nécessaires en plus des 4 milliards d’euros déjà alloués à la rénovation des logements. Toutefois le président français a déclaré s’engager à faire disparaître les « passoires thermiques ».

Tandis que la population attend des éclaircissements sur les engagements du gouvernement, il est intéressant de noter que la Convention citoyenne pour le climat souligne aussi la nécessité d’un modèle de rénovation globale. En effet, l’approche fragmentaire actuelle, où on change les fenêtres, on installe une nouvelle chaudière ou on améliore l’isolation dans une maison, empêche d’obtenir des gains importants en matière d’efficacité énergétique.

Selon une étude de 2018 publiée par l’ADEME[4], l’Agence française de la transition écologique, seulement 5 % des rénovations énergétiques effectuées sur 5 millions de logements ont permis de gagner deux niveaux de performance énergétique.

Charles Arquin, du bureau d’études Pouget Consultants, partage cet avis. Il estime qu’à l’heure actuelle, nous manquons beaucoup trop d’occasions de rénover efficacement. Et de donner cet exemple : lorsqu’on ravale les façades d’un bâtiment, on ne met pas systématiquement de l’isolation par l’extérieur, ce qui devrait être le cas. Selon l’expert, jusqu’à 90 % des rénovations[5] se font de façon ponctuelle ou limitée, sans réfléchir aux améliorations potentielles et aux gains énergétiques supérieurs qui seraient possibles si l’ensemble du bâtiment était pris en considération.

Bien que la décision du gouvernement français ne soit pas encore prise, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement, a déclaré que la rénovation énergétique des bâtiments jouera un rôle central dans la reprise post-COVID-19 du pays.

En plus de croire fermement à l’approche de rénovation globale, notamment pour les « passoires thermiques », qui nécessitera selon elle des investissements beaucoup plus élevés dans les années à venir, elle affirme que la rénovation énergétique des logements est non seulement bénéfique pour la planète, mais également propice à l’augmentation du pouvoir d’achat et à la création d’emplois.

[1] https://www.la-croix.com/Economie/France/freins-renovation-energetique-logements-2020-06-15-1201099894

[2] La Convention citoyenne pour le climat est une initiative lancée par le gouvernement français qui réunit 150 citoyens français de tous les horizons de la société et leur donne la parole  quant à la manière dont la France pourrait accélérer ses engagements pour lutter contre le changement climatique. Le groupe est chargé de définir une série de mesures qui permettront à la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030.

[3] https://www.europe1.fr/societe/convention-citoyenne-pour-le-climat-quels-objectifs-pour-les-passoires-energetiques-3978240

[4] https://revue-passages.fr/2020/05/13/renovation-energetique-etat-quantite/

[5] https://lenergeek.com/2020/05/12/charles-arquin-pouget-consultants-redonner-confiance-renovation-energetique/