La biomasse et la géothermie : des leviers pour la transition énergétique ?
Comme de nombreux pays, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, dans le cadre des objectifs de l’Accord de Paris visant à lutter contre le réchauffement climatique. Pour ce faire, le gouvernement français entend mener une stratégie nationale bas-carbone[1] qui repose principalement sur des actions en faveur de l’efficacité énergétique : réduire de moitié la consommation finale (de 1 600 TWh à 900 TWh), accroître l’utilisation des énergies renouvelables et augmenter le recours à l’électricité décarbonée dans le mix énergétique français (de 25 % à 50 % des besoins énergétiques finaux d’ici à 2050).
La production d’énergies issues de la biomasse et de la géothermie pourrait passer de 200 TWh (térawatt-heure) à 430 TWh d’ici à 2050 en France[2]. Issues de la combustion de matière organique ou de la chaleur naturelle du globe, elles constituent une alternative intéressante pour accélérer la transition énergétique et répondre à ses défis.
Des alternatives prometteuses pour les zones insulaires
Certaines sources d’énergie demeurent encore trop peu exploitées en France, malgré une demande croissante. Parmi elles, la biomasse, « angle mort de la transition énergétique », selon la formule de Jean-François Moreau[3], ingénieur en énergies, spécialisé dans les domaines de la transition énergétique et de l’efficacité énergétique des bâtiments, fait figure d’atout non-négligeable pour se détacher progressivement des énergies fossiles.
Définie par le Code de l’Énergie français[4] comme la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture (dont les substances végétales et animales) obtenue par voie sèche (combustion, gazéification, ou pyrolyse) ou humide (méthanisation), elle constitue un levier tout particulièrement intéressant pour les territoires insulaires, fortement dépendants des importations d’énergies fossiles. La Réunion, la Martinique ou encore la Guadeloupe, qui se fournissent majoritairement en combustibles carbonés pour produire de l’électricité, pourraient ainsi accélérer leur transition énergétique. En complément des énergies renouvelables intermittentes (éolienne et photovoltaïque), l’installation de centrales de biomasse liquide (huiles végétales, bioalcools) permettrait aux territoires de profiter d’une énergie plus propre, améliorant de surcroît la qualité de l’air. Un potentiel que La Réunion compte bien exploiter en convertissant plusieurs centrales au fioul et au charbon pour parvenir à une consommation d’électricité débarrassée d’apports en énergies fossiles sur son territoire[5]. A titre d’exemple, l’île s’est déjà engagée à convertir d’ici 2023 l’une de ses centrales au fioul et au charbon en centrale à biomasse liquide.
Réduire les coûts financiers et environnementaux
En ce qui concerne la géothermie, l’installation de la technologie à boucle fermée (système continu de transfert de chaleur dans des tuyaux en plastique enterrés ou immergés) peut représenter un frein financier en raison du forage nécessaire. Toutefois, il existe également un système géothermique deux à cinq fois moins cher que les systèmes traditionnels, et tout aussi performant : les puits à colonne (ou PCP). Ces échangeurs de chaleur utilisent de l’eau souterraine puisée jusqu’à 500 mètres de profondeur pour chauffer et climatiser les bâtiments. Une solution prometteuse qui permet de réduire la facture énergétique de près d’un tiers par rapport à un système mécanique classique.
C’est dans cette optique que Polytechnique Montréal, l’Université de Montréal, Hydro-Québec, le centre de recherche CanmetÉNERGIE de Ressources naturelles Canada et d’autres partenaires ont lancé le projet Alliance pour accélérer le déploiement des PCP dans les écoles québécoises[6]. En plus de réduire l’échéancier des chantiers, et donc les coûts de construction (car les PCP exigent seulement le forage de quelques puits de grande profondeur, contre une dizaine de puits pour les systèmes traditionnels), ce procédé va contribuer à développer l’efficacité énergétique des infrastructures. De quoi permettre au pays de réduire sa dépendance aux énergies fossiles.
L’union fait l’efficacité énergétique
Certaines entreprises misent déjà sur la combinaison de différentes énergies renouvelables pour multiplier leur potentiel énergétique et favoriser la transition verte des collectivités. Ainsi, un projet de reconversion d’une ancienne mine de fer en un réseau de chauffage urbain “vert”[7] est né récemment en Lorraine. Un projet de centrale innovante qui mêle géothermie et biomasse, avec pour ambition la réduction de la consommation gazière annuelle de la commune de Fontoy (Moselle) de 348 MWh (soit la consommation annuelle de gaz d’une école).
En plus de représenter une excellente source d’énergie, le réseau de chauffage urbain mobilise des ressources locales. L’eau d’ennoyage (c’est-à-dire l’eau issue d’une nappe sous-jacente qui sert à remplir le réservoir minier), pompée à 40 mètres de profondeur à une température de 12 degrés, sera utilisée par une pompe à chaleur pour alimenter les réseaux basses et très basses températures. En parallèle, une chaudière biomasse alimentée en bois en provenance de producteurs locaux sera installée pour fournir du chauffage à la commune.
L’exploitation de la chaleur naturellement stockée dans le sous-sol de notre globe[8] pourrait ainsi représenter un levier supplémentaire pour accélérer la transition énergétique.
[1] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNBC-2%20synthe%CC%80se%20VF.pdf
[2] https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-01/RTE-AIE_synthese%20ENR%20horizon%202050_FR.pdf
[3] https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-la-biomasse-angle-mort-de-la-transition-energetique-1304779
[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000023986186/
[5] https://www.lemondedelenergie.com/la-reunion-revolution-verte-biomasse/2021/02/11/
[6] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/599239/geothermie-l-union-fait-la-force
[7] https://www.vinci-energies.com/notre-actualite/actualites/energies-renouvelables-geothermie-et-biomasse-combinees-pour-un-reseau-de-chaleur-innovant/
[8] https://www.consoglobe.com/geothermie-avantages-inconvenients-cg/2