La mobilité connectée, alliée de la mobilité durable en milieu rural

Le transport représentait en 2022 le premier secteur émetteur de CO2 en France, et le deuxième secteur dans le monde. Le développement de solutions de mobilité plus durables dans les territoires ruraux, périurbains et enclavés, constitue un véritable enjeu. En France, ils concernent 33 % de la population française, 88 % des communes et 70 % des surfaces disponibles. L’évolution de la mobilité en milieu rural devra répondre aux défis de la place accordée à la voiture individuelle dans les espaces peu denses, souvent indispensable aux déplacements, d’une part, et de la grande disparité de leurs besoins, d’autre part. Comment permettre au transport de répondre aux défis de la décarbonation de la mobilité tout en prenant en compte les spécificités des territoires ruraux ?

 

La voiture électrique en milieu rural

 

Les territoires ruraux sont marqués par la place prédominante de la voiture dans les déplacements du quotidien. En 2016, près de trois-quarts des trajets réalisés par des Français habitant en « zones peu denses » (petites villes de moins de 10 000 habitants) se faisaient en voiture. L’absence de transports en commun réguliers nourrit cette dépendance et fait de la voiture individuelle un moyen de transport difficilement substituable en milieu rural. 

La voiture électrique est une solution de remplacement pertinente dans la réduction des émissions carbones liées au transport. Elle assure des économies sur le coût des trajets grâce au faible coût de l’énergie électrique permettant de réaliser un trajet de 100 km pour un coût compris entre 2,5 et 5 euros. L’Union européenne s’est déjà engagée dans la transition vers des véhicules électriques en interdisant, à partir de 2035, la vente de véhicules neufs à moteur essence ou diesel. En 2021, près de 162 000 nouveaux véhicules électriques (hybrides rechargeables inclus) ont été immatriculés en France, soit une augmentation de 46 % par rapport à l’année 2020. La progression est encore plus forte au niveau mondial, avec 6,6 millions de nouveaux véhicules vendus, soit une augmentation de 108 % par rapport à 2020. Les ventes devraient atteindre 20,6 millions d’unités en 2025, et représenter autour de 23 % des ventes, contre 10 % aujourd’hui.

La réussite du déploiement des voitures électriques dépendra en partie d’une offre adéquate en bornes de rechargement. A l’échelle globale, des solutions de stations de recharge autonomes adaptées au milieu rural et aux espaces isolés se développent. En Amérique du Nord, Electrify America propose ainsi des stations dotées de panneaux solaires capables de fonctionner sans être raccordées à un réseau électrique, grâce à une batterie. En France, les collectivités locales se mobilisent également pour renforcer l’offre de points de charge disponibles. Ainsi, la région Grand Est a décidé de s’appuyer sur l’entreprise Freshmile afin de développer un réseau de bornes de recharge destinées aux véhicules électriques. Ces efforts permettront à la Ville de Strasbourg d’être équipée de près de 1 000 bornes de recharge d’ici 2025.

 

Les transports autonomes sur les routes

 

Le développement des véhicules électriques autonomes, qu’ils soient individuels ou collectifs, privés ou partagés, ouvre une nouvelle ère dans les solutions de mobilité flexibles et décarbonées. Dans les territoires ruraux, les transports collectifs ne représentent en effet que 5 % des déplacements, contre 12 % en agglomération. Le développement des offres autonomes électriques permettra de répondre à un besoin de flexibilité tout en capitalisant sur les plans d’urbanisme et les infrastructures existants.

 

Territoires ruraux enclavés : faciliter l’accès aux services essentiels

 

La mise en œuvre de moyens de transports autonomes pourrait également donner l’opportunité aux populations âgées, surreprésentées dans ces territoires, et plus généralement aux individus à mobilité réduite, d’accéder à une offre de transport adaptée et potentiellement plus abordable financièrement. Cela permettrait également aux collectivités de rapprocher leurs administrés des services publics, grâce à des solutions modulables mieux adaptées à leurs besoins, tout en bénéficiant d’un meilleur équilibre financier pour les services de transports proposés. Le coût final d’utilisation des véhicules connectés pourrait, semble-t-il, diminuer grâce à la réduction du nombre de chauffeurs. Dans le même temps, ces solutions répondraient aux besoins de la population au travers de parcours personnalisables, d’horaires de fonctionnement étendus, en offrant par ailleurs une meilleure sécurité aux passagers.

 

Territoires ruraux périurbains : transports collectifs autonomes en expérimentation

 

Les solutions déployables à grande échelle restent pour le moment en phase de test. Le gouvernement français a annoncé en 2019 l’autorisation de seize expérimentations, dont certaines en milieu rural ou peu dense. Les territoires soutenant ces projets pilotes s’engagent également, à l’instar de Rambouillet Territoires qui a lancé en septembre 2017 le projet « Tornado », en partenariat avec Renault et une dizaine d’autres acteurs. L’expérimentation, d’une durée de 36 mois, visait à étudier l’utilisation d’un véhicule partagé afin de renforcer la multimodalité en zone peu dense. Pour cela, elle a mis à disposition un véhicule partagé entre une gare et un parc d’activité, ainsi qu’une navette partagée sur un parcours fixe au sein de la zone d’activité. 

Du côté de la Drôme, le transporteur Bertolami s’est appuyé sur la start-up lyonnaise Navya pour lancer l’expérimentation du trajet quotidien d’une navette de dix passagers reliant la gare SNCF de Crest à l’Ecosite du Val de Drôme sur une distance de 4,5 km. De septembre 2020 à juin 2021, près de 700 personnes ont été transportées et près de 3 000 km ont été parcourus. La municipalité a décidé de poursuivre l’expérience face au succès de la première phase d’essai. 

 

Véhicules autonomes : perspectives

 

La multiplication des véhicules autonomes sur nos routes rurales n’est pas encore d’actualité. Le milieu rural reste en effet un milieu complexe disposant de peu de points fixes permettant au véhicule de s’orienter, et les repères utilisés, tels que la végétation ou les cultures, y sont en constante évolution. Les chercheurs devront trouver des solutions innovantes afin de permettre aux navettes collectives d’être pleinement opérationnelles. 

La réussite de ces nouvelles solutions de mobilité dépendra aussi de l’acceptabilité de ces nouveaux types de véhicules. Les perspectives sur ce point sont positives : une étude réalisée en 2016 par l’Observatoire Cetelem indiquait que 81 % des automobilistes interrogés dans 15 pays, considéraient la voiture autonome comme un moyen de gagner du temps. La mise en place de solutions efficaces pour assurer la propreté d’une flotte collective de véhicules individuels participera à l’acceptabilité de ces solutions par la population. La rentabilité pour les structures exploitantes sera également un élément déterminant pour le déploiement de ces véhicules.

 

Les transports autonomes sur les rails 

 

La mise en circulation de véhicules autonomes en milieu rural ne se limite pas uniquement aux routes. L’exploitation des lignes de chemin de fer inutilisées renforcerait le maillage territorial en reliant les territoires entre eux. Intégrés dans une offre de transport multimodal, ces services offriraient une alternative pertinente et efficace à la voiture individuelle. 

La configuration et les besoins des zones peu denses peuvent fortement varier. Les constructeurs travaillent donc de plus en plus sur des trains légers, autonomes et de petites tailles. Dans ce contexte, la SNCF a lancé ses travaux autour de deux trains légers. Le premier, nommé Draisy, est un petit train modulaire ultra léger sur batterie, doté d’une autonomie de 150 km lui permettant de fonctionner sur les lignes non-électrifiées. Destiné aux petites lignes, le Draisy pourrait accueillir jusqu’à 80 voyageurs, dont 30 assis. Sur le même format, le projet Taxitrail propose un train modulable et flexible pouvant fonctionner de manière autonome pendant 600 km grâce à une traction hybride électrique/hydrogène. Son coût permettrait d’avoir un équilibre financier pour les lignes de moins de 80 km. 

Pour attirer les usagers, la mise en service de navettes autonomes sur des chemins de fer devra proposer en complément le développement de navettes ou des voitures individuelles assurant la connexion entre les différents réseaux et modes de transport. Le projet Flexy, lancé en partenariat avec un consortium d’entreprises, prend en compte cet impératif. A mi-chemin entre train et bus, la navette Flexy permettrait de circuler à la fois sur les routes classiques et les lignes de chemin de fer. Les premières expérimentations débuteront à l’horizon 2025.

L’augmentation du nombre de véhicules équipés de moteurs électriques et le développement d’une flotte de véhicules autonomes individuels ou collectifs contribueront à la réduction des émissions de nos déplacements, notamment dans les territoires particulièrement dépendants de la voiture comme les territoires ruraux. Les solutions autonomes participeront également à renforcer la connexion entre les territoires tout en répondant mieux aux besoins des individus. La poursuite des expérimentations, telle que celle de Bertolami en partenariat avec Navya, ou le lancement de Flexy en 2025 par la SNCF, permettront de mettre à l’épreuve du réel ces nouvelles solutions et de constater leur impact sur le public rural.