Cryptomonnaies, data centers… quel impact sur la consommation énergétique mondiale ?

L’écosystème numérique représentait environ 7% de la consommation mondiale d’électricité en 2017[1], de la production de nos appareils électriques à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les data centers. Un chiffre qui pourrait atteindre 12% en 2020 et croître d’environ 7% par an d’ici à 2030. Si la révolution numérique a indéniablement facilité et démocratisé l’accès à l’information, elle représente également un coût non négligeable pour la planète, tant les technologies qui lui sont associées sont énergivores. En témoignent les chiffres inquiétants de la consommation d’énergie des cryptomonnaies ou de l’empreinte carbone des datacenters, nécessaires au stockage de nos données. A titre d’exemple, la consommation du Bitcoin, monnaie virtuelle à l’essor fulgurant, équivaut à celle de 159 pays dont l’Irlande et la Slovaquie[2]. Par ailleurs, une simple recherche sur Google est responsable de l’émission de 0,2 gramme de CO2.[3] Il devient de ce fait urgent de trouver des solutions et développer des modèles durables pour pérenniser la révolution numérique. A ce titre, les initiatives émanant d’acteurs privés se multiplient pour que la digitalisation de notre société ne se fasse pas au détriment de la planète.

Les « fermes de serveurs », greniers numériques de la planète 

Lorsque l’on parle de Cloud ou encore de dématérialisation des données et services, difficile d’imaginer la dépense énergétique que ces technologies engendrent. Et pourtant, les data centers, immenses hangars dans lesquels on retrouve de longues rangées de serveurs, de routeurs et commutateurs, fonctionnent en permanence pour stocker une masse considérable de données, la gérer et la rendre disponible sur Internet[4]. Bases de données, sites e-commerce, réseaux sociaux, e-mails, vidéos streaming, services de cloud computing, cryptomonnaies et bien d’autres encore, y sont hébergés. Pour faire face à la croissance exponentielle de notre besoin en stockage, la France devrait compter près de 200 data centers en 2020, majoritairement concentrés en Ile-de-France[5].

Leur fonctionnement dégage énormément de chaleur, nécessitant un refroidissement permanent pour éviter toute panne, qui risquerait d’entraîner une interruption ou baisse de performance. La consommation d’un très gros data center peut ainsi atteindre 100 millions de watts (100 MW), soit un dixième de la production d’une centrale thermique ![6] Ainsi, même lorsqu’ils sont peu sollicités, ces serveurs demeurent gourmands en énergie pour garantir un accès permanent et optimal aux utilisateurs et nous exposent à de nouveaux défis énergétiques dont l’opinion et les Etats n’ont pas encore pris toute la mesure. Des chiffres à considérer avec précaution, puisque le recours au cloud par les entreprises peut s’avérer être un choix plus écologique que le stockage traditionnel sur site. En effet, les fournisseurs de cloud à grande échelle se dotent généralement de dispositifs de refroidissement optimisés et moins énergivores, et investissent parfois même dans les énergies vertes.[7]

Rien ne se perd, tout se récupère

Heureusement, des solutions existent pour limiter ces risques. Les géants du web tels que Google, Amazon ou encore Facebook s’orientent de manière croissante vers les énergies renouvelables, limitant ainsi l’impact écologique de leur activité. Le célèbre moteur de recherche a d’ailleurs investi 700 millions de dollars dans un data center fonctionnant aux énergies renouvelables au Danemark.[8] Rexel accompagne également les data centers du choix jusqu’à l’installation d’équipements performants sur le plan énergétique, visant à réduire leur facture et leur empreinte environnementale.

De plus, les data centers peuvent être utilisés comme réseaux de chaleur, permettant de chauffer des bâtiments publics ou entrepôts d’entreprises. Récemment, le Groupe Casino a affirmé que ce type d’installations lui permettrait de réduire de 75% son empreinte carbone. Depuis 2017, la piscine de la Butte-aux-Cailles à Paris s’est dotée d’une chaudière numérique pour chauffer son eau à 27°C : des serveurs informatiques, immergés dans un bain d’huile, transfèrent leur chaleur aux deux bassins.[9] Des initiatives nationales et locales qui font parler d’elles et démontrent une prise de conscience collective progressive.

Cryptomonnaies, la ruée vers l’or des temps modernes…

En moins d’une décennie, la valeur du Bitcoin est passée de 1 à 20 000 dollars. Une véritable envolée spéculative, liée à l’engouement qui s’est emparé du globe autour de la cryptomonnaie. Ces devises virtuelles reposent sur la « blockchain », une technologie de stockage et de transmission d’information transparente, sécurisée, fonctionnant sans organe central de contrôle[10]. La capitalisation du Bitcoin s’élève à plus de 67 milliards de dollars et déjà 13 millions d’Américains achètent et revendent des devises virtuelles sur la CoinBase, la Bourse des monnaies numériques. Le XRP, la devise de Ripple affichait l’an dernier une hausse de 36 000%. Des chiffres qui donnent le tournis, auxquels s’ajoute une autre problématique d’ordre environnemental, de plus en plus préoccupante.

…qui fait craindre un nouveau gouffre écologique ?

Véritable révolution technologique et financière, l’essor des monnaies virtuelles nous interroge néanmoins sur leur empreinte écologique. Le système de vérification décentralisé des transactions, appelé « minage », nécessite une puissance de calcul phénoménale, à l’origine d’une consommation énergétique exponentielle. De plus, les algorithmes de minage se complexifiant au fil du temps, la consommation liée à la création ou transaction de chaque Bitcoin ne devrait que croître dans les prochaines années. A titre d’exemple, la puissance nécessaire aux transactions du Bitcoin équivaut à la consommation énergétique de l’Irlande[11].

A l’inverse, certaines cryptomonnaies tentent d’adopter une approche plus respectueuse de l’environnement, voire même d’avoir un impact positif, au service de la transition énergétique. Nous pouvons citer le SolarCoin, monnaie virtuelle créée pour inciter à la production d’énergie verte : pour chaque 1 MWh d’énergie solaire produite, les producteurs peuvent recevoir 1 SolarCoin (SLR). Une devise qui peut ensuite être utilisée comme toute autre cryptomonnaie, également acceptée par certains fournisseurs d’énergie renouvelable.

Toutes les révolutions ne se font pas sans heurts et la révolution numérique n’échappe pas à cette règle. La transformation digitale de nos sociétés a vu l’avènement d’une masse de données informatisées dont l’utilisation et le stockage constituent de réels enjeux en matière de consommation d’énergie. Les data centers ou encore la Blockchain, poussent de nombreux experts à mettre au point des solutions pour concilier ces technologies énergivores en plein développement avec les considérations environnementales, elles-aussi grandissantes. Les initiatives positives émanant d’acteurs privés se multiplient, ouvrant la voie à une conception plus responsable du stockage de nos données.


[1] Rapport GreenPeace : https://www.greenpeace.fr/il-est-temps-de-renouveler-internet/

[2] https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/la-crypto-monnaie-bitcoin-consomme-plus-d-electricite-que-159-etats-dans-le-monde_118729

[3] https://www.lebigdata.fr/big-data-bitcoin-catastrophe-environnement

[4] https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique

[5] https://www.usine-digitale.fr/article/la-france-devrait-compter-200-grandes-centrales-numeriques-en-2020-vingt-de-plus-qu-aujourd-hui.N748244

[6] https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique

[7] https://www.lesechos.fr/thema/0600077072687-lentreprise-peut-elle-concilier-cloud-et-rse-2227459.php

[8] https://www.presse-citron.net/google-investit-700-millions-data-center-vert-danemark/

[9] https://www.lepoint.fr/high-tech-internet/le-groupe-casino-remplace-ses-radiateurs-par-des-data-centers-23-12-2018-2281543_47.php

[10] Définition de Blockchain France

[11] https://www.clubic.com/bitcoin/actualite-843663-bitcoin-consomme-energie-irlande.html